VII Les fractales du vivant
Les fractales se
sont révélées adaptées à la représentation d'objets naturels complexes. Elles
sont présentes partout sans que l'on s'en rende compte. Dans la nature, on les
retrouve en particulier dans le corps humain (poumons, intestins), les végétaux,
les montagnes, les nuages, les amas galactiques. Leur organisation (ou leur
forme) reste en permanence la même quelle que soit l'échelle.
Cette nouvelle géométrie donne à la nature une
image anguleuse et non arrondie, rugueuse et non lisse. C'est une géométrie
du disloqué, de l'enchevêtré, de l'entrelacé. Ces formes étranges ont un sens,
elles sont souvent la clé qui permet d'atteindre les sens des phénomènes.
Les possibilités d'applications de la géométrie
fractale en biologie sont immenses. Néanmoins, on ne peut pas parler de fractales
au sens propre du terme car le phénomène de self similarité, ou auto similarité,
n'est pas infini comme dans les modèles théoriques mathématiques. Cependant,
les objets naturels tels le réseau sanguin coronaire, les parois de l'intestin
grêle, les bronches, également des végétaux comme les fougères, les arbres,
le chou romanesco ou encore des éléments du paysage comme les nuages, la côte
bretonne, sont malgré tout considérés comme des fractales du fait de leurs propriétés
qui se rapprochent beaucoup de celles des fractales mathématiques.
1°. Les Poumons
a) Structure pulmonaire
La capacité pulmonaire est d'environ 5000cm3. Les poumons sont d'ailleurs le plus grand exemple de divisions de vaisseaux (sanguins et pulmonaires). Extérieurement, leur face est lisse et brillante alors que l'intérieur laisse apparaître une structure arborescente au niveau des bronches et des bronchioles. Cette dernière est la même au niveau des vaisseaux de petites tailles et au niveau d'autres vaisseaux plus gros.
Cette arborescence
présente donc une structure fractale déterminée par le code génétique contenu
dans chaque cellule et conduit à une surface d'échange chez l'Homme adulte comprise
environ entre 140m² et 200 m².
Bien que cette surface ne soit pas infinie, on
considère les poumons et leur self similarité comme étant un exemple naturel
de fractale. Elle permet un échange gazeux important sur un volume pulmonaire
pourtant réduit.
La morphogenèse du système des bronches rappelle
la construction des arbres fractals. A chaque itérations, le nombre de terminaisons
se trouve doublé. Par conséquent, après 16 étapes similaires, on obtient 2^16
soit environ 60 000-65 000 bronchioles qui conduisent également à 60 000-65
000 acini (le nombre constituant un poumon humain). Par ailleurs, plus le nombre
croît, plus la longueur et le diamètre des bronches se réduisent. Les divisions
ayant lieu dans des directions quelconques, elles permettent d'amener l'air
dans la totalité des poumon via le réseau complexes des bronches.
De plus, si l'on considère l'arbre formé par les artères et
les veines dans le poumon (permettant le transport de l'oxygène des poumons
vers le sang et du dioxyde de carbone du sang vers les poumons), le nombre d'itérations
atteint 23, autrement dit il existe 2^23 ; soit 8 millions d'artérioles ou de
veines terminales.
b) Surface d'échange
On considèrera pour
les calculs suivants la surface d'échange des poumons égale à environ 140 m²
(soit concrètement un carré de 12 m de côté).
On a vu précédemment que l'artère principale se
divise en deux et ainsi de suite, et ceux 23 fois pour obtenir 8 000 000 d'artérioles.
Cette structure forme une courbe fractale dont tous les points terminaux sont
à la même distance de l'origine. De plus, pour que l'échange soit maximal, il
faut utiliser le volume de la cage thoracique de façon optimale.
On admet le diamètre des alvéoles l=0.2mm. Dans
les calculs suivants, on modélisera par conséquent les alvéoles par des cubes
de côté l. Sur ces derniers, seules 5 faces seront allouées à la surface d'échange
alors que la dernière ne pourra être utilisée étant donné que l'air pénètre
dans l'alvéole par celle-ci.
- On obtient donc une surface d'échange par alvéoles
de 2.10^-3 cm² (S = 5x(0,2)x(0,2) cm²).
- On sait qu'il y a environ 60 000 acini dans
les poumons et que ces derniers ont une surface d'échange de 140 m². Par suite,
on peut donc calculer la surface de chaque acinus : 140/60 000 = 25 cm².
- Outre la surface et connaissant la capacité
pulmonaire humaine soit environ 5 litres (5000 cm3), on peut calculer le volume
d'un acinus : 5 000/60 000 soit environ 0,1 cm3.
Connaissant la formule du volume d'un cube, on prendra pour les calculs qui suivent une taille L pour un acinus d'environ 5mm.
c) Calcul de la dimension fractale
Comme nous l'avons vu dans la partie précédente, la formule pour calculer la dimension fractale est la suivante : D = ln (n) / ln (L/l)
Dans le cas présent :
L/l = 5 mm/ 0,2 mm = 25
n est le nombre de cubes (alvéoles) de surface 2.10^-3
cm² et la surface d'un acinus est de 25 cm² : n = 25/2.10-3 = 12 500. On
obtient donc 12 500 alvéoles par acinus. On peut désormais calculer D : D =
ln (12 500) / ln (25) = 2,930676558
En arrondissant, on trouve donc que la dimension
fractale de la courbe est comprise entre 3 et 2 soit environ 2,93. C'est donc
un exemple de surface remplissant l'espace.
d) En guise de conclusion
L'apparition de formes fractales dans le corps humain est probablement la conséquence d'un principe de self-similarité : on peut observer les mêmes formes à différentes échelles. Néanmoins, le code génétique engendre des organes et non des fractales. En effet, ces dernières ne sont que des objets mathématiques permettant de modéliser le vivant afin de reproduire au mieux les formes observées. Notre organisme crée des organes, en aucun cas des mathématiques. Aujourd'hui, connaissant l'existence des fractales, on pourrait se demander si la forme des poumons par exemple est à l'origine de la fonction et donc d'un aspect fractal ou bien si au contraire ce n'est pas la nécessité de respirer qui impose aux poumons cette forme si caractéristique. Le débat est donc lancé.
2°. Le chou fleur et le chou romanesco
Le chou fleur ainsi que le chou romanesco, appellé parfois chou chinois, présentent également une forme fractale. Familièrement, on pourrait dire que leur surface est faite de grandes bosses. Sur les grandes bosses, on trouve de plus petites bosses, et sur celles-ci, de plus petites bosses encore, et ainsi de suite. En regardant un chou-fleur, on peut ainsi voir que chacun des morceaux plus petits ressemble à la forme du chou entier. De même si nous tournons le chou-fleur, nous voyons la forme répétée comme vous pouvez l'apercevoir sur la photos ci-dessous à gauche(c'est un chou romanesco qui est représenté) :
En coupant un chou en son milieu, on peut observer que la structure de ses branches prend toujours la même forme, car chacune d'elles se sépare en deux branches similaires (photo ci-dessus à droite). On observe ainsi une similitude entre la structure du chou dans sa globalité et un rameau de chou. Ainsi une branche de chou-fleur grossie plusieurs fois a exactement le même aspect que le chou-fleur entier vu de loin. La similitude interne est une des propriétés de la grandeur fractale
Ceci nous mène à
la conclusion que la forme entière du chou-fleur possède deux formes de fractales
différentes, l'une est sur sa surface et l'autre sur la coupe.
3°. Autres exemples surprenants : modélisation
d'un arbre et d'une fougère par ordinateurs grâce à des
fractales
a) Modélisation d'un arbre
L'arbre représenté
ci-dessus a été modélisé en appliquant le principe
de construction d'une fractale. Ainsi, un zoom sur sa partie supérieure
nous confirmerait le fait que les dernières branches ont exactement la
même forme que l'arbre dans sa globalité. Il faut avouer que la
ressemblance avec un vrai arbre est tout à fait troublante ; et ce d'autant
plus que seules les branches sont représentées (absence de feuilles).
b) Modélisation d'une
feuille de fougère
De même, vous pouvez observer juste au-dessus une comparaison effectuée entre 2 feuilles de fougère : l'une provient d'une fougère naturelle et l'autre a été entièrement modélisée par ordinateur en respectant le principe de construction d'une fractale. Là encore, le résultat est troublant...
4°. Petite conclusion
Au vue de toutes nos observations, nous pouvons en déduire que les fractales, nouvelle branche des mathématiques, semblent modéliser à merveille le vivant. Cette modélisation permet aujourd'hui de comprendre bien des phénomènes qui étaient alors inexpliqués comme par exemple l'optimisation des échanges gazeux dans les poumons.